samedi 4 juin 2011

Antoine Buéno est-il raciste ?

    
 
 
                                                        Antoine Buéno est-il raciste ? On peut se poser légitimement la question quand on analyse ses interventions dans la presse suite à la publication d'un essai sur les Schtroumpfs, intitulé "Le petit livre bleu", paru le premier juin 2011; en effet, le simple fait que la schtroumpfette soit blonde lui apparaît comme un stigmate,qu'il convient de dénoncer, et révélateur de tendances nazies !! Il nous a donc paru particulièrement significatif de décrypter les propres stéréotypes de l'auteur, car ils sont très  répandus dans notre société et constituent une doxa assez terrifiante. Ces clichés apparaissent ici avec une netteté et une fraîcheur assez déconcertantes.
 
                                                              Nous avons relevé ci-dessous des extraits, dans leur contexte, de ses interventions :
 
1° (...) "Antoine Buéno règle enfin son compte à la schtroumpfette, dont la représentation lui semble parfaitement misogyne: «elle a été créée par le mal. Elle a subi une opération de chirurgie esthétique pour devenir blonde, seul moyen de plaire aux Schtroumpfs, c'est la seule 'femme' de cette société... »
 
2° (...)"Ils prennent tous leurs repas au réfectoire, sont puritains jusqu'au ridicule. Le racisme est patent dans l'album des "Schtroumpfs noirs" où la pureté du sang devient vitale et le brun, laid. Ou dans celui de "La Schtroumpfette", quand le blond aryen est idéalisé, estime l'auteur".
 
                  La phrase reconstituée sans la coupure devient :" Le racisme est patent quand le blond aryen est idéalisé dans l'album de la schtroumpfette". C'est ainsi qu'une caractéristique  corporelle et ethnique, la blondeur, devient le signe d'une idéologie disparue en 1945, le nazisme. Un critère physique, un critère de l'apparence devient porteur de quelque chose d'atroce et condamnable, un signe d'infamie. On est ici dans un délire racialiste qui peut justifier toutes les  haines et toutes les agressions. De plus, en quoi ce blond serait-il aryen ou nazi ? Les peuples slaves, haïs par Adolf Hitler, comptent de nombreuses personnes blondes. Des polonaises dont les ancêtres furent persécutés par l'Allemagne nazie seraient donc impitoyablement discriminées par le sieur Buéno ? D'autres encore vivent en Kabylie, en Espagne, en Océanie, etc ...Quelle peut être la justification d'un tel appel à la discrimination et à la haine contre des personnes sur des critère physiques ? En quoi une femme devrait-elle expier pour son aspect physique des fautes collectives d'un passé révolu ?
                  On reste consterné qu'aucun journaliste  n'ait relevé de telles énormités.




 
3° (...)"Et il y a la sublimation de la blondeur de la Schtroumpfette.
La chose la plus importante, c’est que l’auteur des Schtroumpfs, Peyo, n’a pas voulu les caractéristiques que je souligne. Il n’était pas du tout politisé. Mais une œuvre populaire peut véhiculer des choses même si ce n’est pas voulu. Ça dit des choses de l’époque et de la société, et comment les stéréotypes peuvent être en en décalage avec la société qui a évolué. Pour faire un méchant, on ne fait pas un grand blond aux yeux bleus. Les stéréotypes ont la vie dure".
  4° (...) « J'adore les Schtroumpfs, je voulais juste avec mon livre expliquer que les œuvres populaires nous en apprennent beaucoup de la société dont elles sont le fruit. Je n'accuse pas Peyo lui-même de racisme, sinon vous imaginez qu'il m'aurait déjà attaqué. Dans son œuvre de divertissement, Peyo était obligé d'utiliser des ficelles qui parlent le plus possible au plus grand nombre, comme encore aujourd'hui les méchants à la télé sont rarement blonds aux yeux bleus ! Mon travail était de mettre à jour les stéréotypes, les ficelles de l'époque. Je ne suis pas dans une démarche d'épuration. »
 
               "(...) Les méchants à la télé sont rarement blonds aux yeux bleus (...) L'essayiste voit donc cette circonstance comme un stéréotype, qu'il se fait fort de décortiquer. Ainsi, les criminels blonds aux yeux bleus seraient, par un biais socioculturel, sous-représentés dans les personnages criminels "à la télé" alors que la réalité nous montrerait  le contraire. Les blonds aux yeux bleus , nourrissons et vieillards grabataires compris, représentant moins de 3 % de la population française, ils seraient donc particulièrement criminogénes. Car, si la proportion est respectée pour un taux de criminalité équivalent, 97 % des malfaiteurs ne sont pas blonds aux yeux bleus. On ignore donc  les études démontrant un taux de criminalité record dans cette catégorie, mais on serait désireux d'y avoir accès.
Antoine Buéno, d'ailleurs, insiste sur "l'évolution de la société", qui aurait vu une explosion de la criminalité chez les "grands blonds aux yeux bleus" et volontairement ignorée par "la télé". Ce fait, pour lui, est acquis; en effet,    ce maître de conférences à Sciences Po, chargé de mission au Sénat, plume de Bayrou ne saurait affirmer de tels éléments ressemblant fort à une discrimination raciale particulièrement haineuse sans de solides preuves.
                   
 
5° (...)Pire, le racisme serait flagrant, notamment dans le premier album de la série, interdit aux Etats-Unis, où de méchants Schtroumpfs noirs abrutis et cannibales envahissent le village, ou encore avec l’arrivée de la Schtroumpfette, exaltation de l’arianisme. Et de citer en vrac le sexisme de la série (la seule femme du groupe, la Schtroumpfette, est blonde et insipide) 
6° (...)Un archétype d'utopie totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme», voilà comment l'auteur du «Petit livre bleu» (Hors Collection) résume la BD de Peyo. Un groupe majoritairement masculin, une Schtroumpfette trop blonde et un patriarche à barbe blanche, il n’en fallait pas plus à Antoine Buéno, qui enseigne à Sciences-Po Paris, pour affubler «les Schtroumpfs» d’épithètes accablantes.
 
                 On ne relèvera pas l'arianisme, en lieu et place de l'aryanisme; on relèvera simplement que pour Antoine Buéno, il est sexiste qu'une femme soit blonde et prouve "un racisme flagrant". La preuve en est que la "schtroumpfette est trop blonde".
                  Il est assez rare, de nos jours, de voir des théories racialistes aussi poussées et aussi systématiques; on serait étonné et révolté que de telles assertions puissent s'appliquer à n'importe quelle autre minorité raciales ou ethniques. Imaginerait-on qu'un imbécile sentencieux puisse énoncer que l’héroïne d'un conte africain ait les cheveux trop foncés ou trop crépus, parce que cela rappelle des stéréotypes?
 
 
7° (...)"Ma théorie est que les Schtroumpfs sont l’archétype d’une utopie totalitaire empreinte de stalinisme et de nazisme. Une utopie, parce que c’est une société de félicité, une collectivité sans argent, en autarcie, stable. Le communisme, on le trouve dans la collectivisation, la condamnation de l’argent, les grands travaux. Puis il y a l’uniforme rouge du grand Schtroumpf. Le nazisme, c’est le racisme avec le Schtroumpf noir, le faciès de Gargamel qui rappelle les caricatures antisémites. Le fait qu'il soit accompagné d’un chat qui s’appelle Asraël. Il est mû par la cupidité. Et il y a la sublimation de la blondeur de la Schtroumpfette.
8° (...)Antoine Buéno : Oui. On retrouve de l'antisémitisme, commun au stalinisme et au nazisme. Le faciès de l'ennemi juré des Schtroumpfs, Gargamel - grand nez, laideur - renvoie à l'image du juif dans les années trente. Ses motivations profondes, trouver le secret de la pierre philosophale, relève de la cupidité, conformément à l'image propagandiste du capitalisme apatride juif à cette époque. Son chat s'appelle Azraël, très proche phonétiquement d'Israël. De la même manière, la Schtroumpfette peut être vue comme l'idéalisation de la blondeur de type aryen. En outre, le premier album des Schtroumpfs, "Les Schtroumpfs noirs" est intégralement consacré à la menace raciale.
 
                        "La sublimation de la blondeur de la schtroumpfette"   appartient pour M. Buéno au "racisme nazi"; pourtant, encore une fois, quels sont les éléments permettant d'indiquer que la schtroumpfette est d'une blondeur germanique et non russe, slave, espagnole, italienne ou autres ? Dans le premier passage cité, M. Buéno nous informe que celle-ci a été créée "par le mal". Est-ce bien là une sublimation, ou bien l'évidence du caractère ontologiquement maléfique de "la blonde", du moins dans l'esprit de ce théoricien haineux ?
 
 
                         On ne peut qu'être atterré qu'en 2011 de tels délires racialiste puissent avoir lieu impunément. Se livrer à des raccourcis historiques ahurissants de sottise,  procéder à des amalgames nauséabonds pour jeter l 'opprobre sur une minuscule minorité est une conduite abjecte. Le fait que cet individu enseigne à des étudiants est un outrage supplémentaire pour notre pays.




    Pourquoi tant de haine ?



mercredi 1 juin 2011

Les clichés sur les blondes sont -ils racistes ?

    Un extrait de "La psychologie des préjugés" de l'American Psychological Association; ce passage est particulièrement significatif à propos de  l'influence des préjugés sur leurs victimes, et dans le cas qui nous occupe, à propos des accusations publiques de stupidité et d’hyper sexualité portées contre les femmes blondes.
 
Les conséquences de l’utilisation de stéréotypes
Une fois activés, les stéréotypes peuvent fortement influencer les perceptions et comportements sociaux. Par exemple, des études sur l’amorçage ont démontré que lorsque des étudiants universitaires sont exposés à des mots et des images représentant des stéréotypes liés à la vieillesse, ils vont par la suite marcher plus lentement et accomplir une tâche de reconnaissance verbale plus lentement (Bargh, Chen, & Burrows, 1996; Kawakami, Young, & Dovidio, 2002). De même, des étudiants ayant subi une tâche d’amorçage avec des stéréotypes de «voyou de soccer» («soccer hooligan») vont répondre correctement à moins de questions de connaissance générale, alors que des étudiants ayant subi une tâche d’amorçage avec des stéréotypes de professeur vont démontrer un meilleur rendement (Dijksterhuis & van Knippenberg, 1998). Même si la raison de ses effets n’est toujours pas claire, il semble que lors de l’activation de représentations de stéréotypes comportementaux, le comportement en question devient aussi activé (Wheeler & Petty, 2001).
En plus des effets d’amorçage, les gens subissant des stéréotypes doivent faire face à un deuxième fardeau: la menace que leur comportement confirmera un stéréotype négatif. Claude Steele et ses collègues ont démontré que ce fardeau, connu sous le nom de «menace du stéréotype», peut créer de l’anxiété et gêner le rendement à une multitude de tâches (Steele, 1997). Par exemple, des étudiantes en mathématiques faisant face à un examen difficile vont montrer une baisse de rendement si elles sont informées que ce test révèle les différences de genre dans les habiletés mathématiques (Spencer, Steele, & Quinn, 1999). Une étude particulièrement intéressante dans cette même veine d’idées démontre que si des femmes asiatiques sont poussées à penser à leur ethnie, leur rendement en mathématiques s’améliore (ce qui congruent avec le stéréotype que les Asiatiques sont bons en mathématiques), mais lorsqu’on leur fait prendre conscience de leur genre, leur rendement en mathématiques s’affaiblit (Shih, Pittinsky, & Ambady, 1999). Une tendance semblable se produit chez les jeunes enfants: Lorsque des filles asiatiques prenaient conscience de leur ethnie (en coloriant l’image d’enfants asiatiques mangeant avec des baguettes), leur rendement en mathématiques s’améliore, mais si elles sont poussées à penser à leur genre (en coloriant l’image d’une fillette jouant avec une poupée), leur rendement en mathématiques devient plus faible (Ambady, Shih, Kim, & Pittinsky, 2001).


Pourquoi tant de haine ?

                        Les effets d'humiliation et d'inhibition ressentis par les victimes de préjugés racistes sont bien connus depuis de nombreuses années. C'est ainsi qu'une femme blonde, une enfant, une adolescente ou une mére blonde vont "encaisser" ces signaux négatifs, les intérioriser   puis adapter leur comportement à ces humiliations.  Mais ces victimes sont confrontées à une double peine : A ces humiliations publiques viennent s'ajouter ce que les spécialistes appellent "la menace du stéréotype", où elles vivent dans l'angoisse et la honte que le stéréotype soit réactivé de nouveau devant elles. Elles sont condamnées à se surveiller sans relâche  pour éviter de confirmer le stéréotype, car la moindre faiblesse renforcera  leurs persécuteurs et diminuera leur propre estime.  Cette épée de Damoclés produit de l'anxiété et une baisse de rendement dans l'activité, car ces "piqûres de rappel" peuvent intervenir à n'importe quel moment et/ou saboter n'importe quelle relation . Il y a là une souffrance invisible, niée et obsessionnelle par ses répétitions dans tous les médias . Cette omniprésence devient  apparemment institutionnelle, puisque tolérée par les pouvoirs publics et les censeurs des médias.
 
                        Il est courant d'entendre, lorsqu'une femme blonde se plaint de ces clichés racistes, un intervenant, généralement un homme, répondre : "Vous, les blondes, vous manquez vraiment d'humour, pour vous focaliser là-dessus". On est là, typiquement dans un processus de perversion car à l'expression d'une souffrance la réponse est une nouvelle insulte, avec une tentative de culpabilisation qui renforce le stéréotype raciste.La victime est acculée en définitive à une situation impossible; elle est condamnée soit à perdre sa dignité dans un silence imposé et destructeur, soit à perdre sa dignité en rejoignant la foule des moqueurs ( Fais preuve d'humour !) et participer à sa propre humiliation. Un choix impossible est ainsi ordonné à "la blonde", et tout commentaire sur l'absurdité de cette situation lui est interdit par ses persécuteurs. Et on sait qu'imposer à une victime ces choix paradoxaux est la voie royale pour la conduire vers la schizophrénie.
 
                        Il est temps que la pollution sociale que constitue ces "blagues blondes" et les clichés afférents cesse, et cela d'autant plus qu'ils visent une minuscule minorité sur cette petite planète (moins de 0.5 % de ses habitants) ; c'est là  une question de dignité humaine et de respect.